Une petite idée de Mahdia par Sonia MAKHLOUF
Une petite idée de Mahdia
Par Sonia MAKHLOUF
( extraits de de son mémoire de première année Mastère
" Le cimetière marin de Mahdia" )
Mahdia est située sur la coté orientale de la Tunisie à 63 Km de Sousse au Nord et à 100 Km, de Sfax au Sud. Elle a été édifiée sur une langue de terre de 1500 m, de long sur 300 m, de large, se continuant par un cap élevé s’avançant dans la mer et s’abaissant en pente douce dans la mer.
L’ancienne cité où se situe le cimetière, était bâtie par Obayd Allah, sur une presque île dont la forme particulière a frappé les auteurs arabes comme par exemple « Ibn al Athir » qui la compare à une île jointe au continent et présentant la forme d’une main jointe au bras.
Le relief du sol de cette langue de terre explique l’un des noms qu’elle portait avant les grands travaux du X ème siècle : « Djaziret El Far », c’est-à-dire l’île de la souris.
En effet, Mahdia est bâtie sur un « rocher peu élevé », qui comporte deux hauteurs ne dépassant pas seize mètres au – dessus du niveau de la mer.
La moins étendue, qui se trouve vers la pointe, représente la tête de la souris, dont l’autre, plus importante constitue le corps.
Ainsi entourée d’eau de trois côtés, Mahdia présente un seul côté Ouest qui s’enfonce directement dans l’intérieur des terres.
Le cimetière marin de Mahdia se situe donc, du côté ouest de la presque île qui est nommée actuellement « Borj Errasse », au cœur d’une dépression dont l’altitude ne dépasse pas le 1 m par rapport au niveau de la mer, il est entour! é de par et d’autre (du côté Nord-est) par deux monticules qui peuvent atteindre 15 m de hauteur.
« Borj Errasse » est une région rarement africaine, apparaît plus blanche, plus coquette, plus délicieusement orientale. C’est un site impressionnant surtout pour l’étendue de son panorama sur la ville dont la beauté a inspiré de nombreux peintres, graveurs et photographes au fils du temps permettant à ce belvédère d’être une escale appréciée par de nombreux touristes.
Le terrain du cimetière est couvert par un tapis végétal rampant qui a su s’adapter au vent et à la salinité de l’air.
Ce couvert végétal change d’aspect et de couleur selon les saisons. Il se présente sous forme d’un tapis vert pendant l’hiver, orné de fleurs jaune pendant le printemps. L’été, cette couleur passe au marron suite à l’assèchement de cette végétation. Le site, de part sa position est exposé au vent d’Est et de Sud-est qui souffle souvent l’automne. Il est par ailleurs protégé du vent du Nord et du Nord-Est, dominant par la colline du phare et les habitations.
Ce cimetière est un lieu où on pourra aborder les éléments les plus concrets de la vie, à savoir la mémoire des siècles, réinterpréter le message d’un patrimoine à l’usage des passagers. C’est un lieu qui invite à se plonger dans le passé à travers le présent .
Les Espagnols de Charles-Quint ayant tout rasé « à coups de mine » avant leur départ. Néanmoins, le rempart ouest est encore visible au moins dans ses substructions. Des nombreuses tours qui commandaient l’entrée du côté de la mer, il n! e reste plus que des vestiges, seuls témoins des luttes épiques extraordinaires dont la presque île était chaque fois le théâtre et l’enjeu.
A l’extrémité du Cap, à l’endroit ou les dernières roches plongent dans les flots, se dresse encore, squelette isolé, la tour dite « d’Hannibal ».
Là aussi, épousant les contours rocheux du rivage, on peut encore distinguer les restes très curieux d’une nécropole antique et très probablement punique dont les tombes semblent orientées Est-ouest. Les squelettes y sont encore visibles.
« Le Bordj », qui était le palais du fondateur de Mahdia, « Obayd Allah el Mehdi », semble être de construction relativement récente et vraisemblablement turque.
En contre-bas et à l’Est sud-est, on peut très nettement distinguer l’ancien port creusé en gagnant sur la terre. Ce port communiquait avec la mer par une passe étroite défendue par des tours fortifiées dont on peut admirer les glorieux restes.
Ce port constitue aujourd’hui un refuge pour les petits bateaux à rames, servant de pêche artisanale. L’espace qui l’entoure est aussi utilisé comme entrepôt pour les filets et comme atelier de réparation pour les barques.
Le voisinage immédiat du cimetière marin utilise celui- ci et notamment sa clôture basse comme lieu de rencontre et de réunion surtout les après-midi.
Les enfants du quartier n’hésitent pas à jouer autour des tombes ou à accompagner leurs moutons qui profitent de la végétation printanière.
Les rivages voisinant les tombes sont souvent utilisés par les femmes pour laver la laine surtout pendant la saison estivale.
Dans ce cimetière, il y a aussi un espace dominé par le phare. Cet espace est utilisé aujourd’hui comme terrain de sport pour l’école primaire ainsi que pour les jeunes du quartier, ce qui donne une animation quasi continue au cimetière.
Le cimetière marin est souvent visité par le reste de la population mahdoise, et cela est en rapport avec leurs activités cultuelles et rituelles. En effet, tous les jeudis après-midi ainsi que les jours des Aïd, les gens, surtout les femmes, ont l’habitude de visiter leurs morts.
La présence de trois marabouts (Sidi-Jaber, Sidi Bel Hassan et Sidi Snoubri) encore actifs aujourd’hui attirent tous les vendredis une population des fidèles qui vient célébrer certaines fêtes comme la circoncision ou apporter des offrances aux saints. Les visites généralement familiales sont parfois accompagnées par des troupes musicales locales, généralement féminines.
Depuis quelques années et avec les changements des mœurs, le cimetière est devenu un lieu de promenade très recherché par les jeunes couples à la recherche de calme, de solitude et d’un paysage romantique.
Avec l’avènement du tourisme de masse provenant de l’étranger ou des autres villes tunisiennes, le cimetière fait désormais partie d’un circuit touristique obligé. Il est parcouru quotidiennement, surtout pendant la saison estivale, par des bus et des trains touristiques qui empruntent la route aménagée à cet effet. Depuis quelques années, ce lieu attire, en plus des estivants venus chercher un peu d’exotisme en comparaison avec la plage sableuneuse et les pi! scines des hotels
Parcourir ce cimetière, c’est ce promener, chercher, monter, descendre, continuer, arriver, s’arrêter, contempler. « C’est une danse étrange, où on peut- être tout le contraire d’une danse, que le cheminement assujetti à un sol qui n’a point de loi. Le corps ne peut rien prévoir, chaque pas est une invention spéciale de l’œil et de l’instant. Nul pas ne ressemble l’autre, aucun n’a l’amplitude, la figure, la dynamique du précédent. Point d’habitude ici »[1].
[1] Paul Valéry, Tel quel, éditions Gallimard, Paris, avril 1996,. P 315
Par Sonia MAKHLOUF
( extraits de de son mémoire de première année Mastère
" Le cimetière marin de Mahdia" )
Mahdia est située sur la coté orientale de la Tunisie à 63 Km de Sousse au Nord et à 100 Km, de Sfax au Sud. Elle a été édifiée sur une langue de terre de 1500 m, de long sur 300 m, de large, se continuant par un cap élevé s’avançant dans la mer et s’abaissant en pente douce dans la mer.
L’ancienne cité où se situe le cimetière, était bâtie par Obayd Allah, sur une presque île dont la forme particulière a frappé les auteurs arabes comme par exemple « Ibn al Athir » qui la compare à une île jointe au continent et présentant la forme d’une main jointe au bras.
Le relief du sol de cette langue de terre explique l’un des noms qu’elle portait avant les grands travaux du X ème siècle : « Djaziret El Far », c’est-à-dire l’île de la souris.
En effet, Mahdia est bâtie sur un « rocher peu élevé », qui comporte deux hauteurs ne dépassant pas seize mètres au – dessus du niveau de la mer.
La moins étendue, qui se trouve vers la pointe, représente la tête de la souris, dont l’autre, plus importante constitue le corps.
Ainsi entourée d’eau de trois côtés, Mahdia présente un seul côté Ouest qui s’enfonce directement dans l’intérieur des terres.
Le cimetière marin de Mahdia se situe donc, du côté ouest de la presque île qui est nommée actuellement « Borj Errasse », au cœur d’une dépression dont l’altitude ne dépasse pas le 1 m par rapport au niveau de la mer, il est entour! é de par et d’autre (du côté Nord-est) par deux monticules qui peuvent atteindre 15 m de hauteur.
« Borj Errasse » est une région rarement africaine, apparaît plus blanche, plus coquette, plus délicieusement orientale. C’est un site impressionnant surtout pour l’étendue de son panorama sur la ville dont la beauté a inspiré de nombreux peintres, graveurs et photographes au fils du temps permettant à ce belvédère d’être une escale appréciée par de nombreux touristes.
Le terrain du cimetière est couvert par un tapis végétal rampant qui a su s’adapter au vent et à la salinité de l’air.
Ce couvert végétal change d’aspect et de couleur selon les saisons. Il se présente sous forme d’un tapis vert pendant l’hiver, orné de fleurs jaune pendant le printemps. L’été, cette couleur passe au marron suite à l’assèchement de cette végétation. Le site, de part sa position est exposé au vent d’Est et de Sud-est qui souffle souvent l’automne. Il est par ailleurs protégé du vent du Nord et du Nord-Est, dominant par la colline du phare et les habitations.
Ce cimetière est un lieu où on pourra aborder les éléments les plus concrets de la vie, à savoir la mémoire des siècles, réinterpréter le message d’un patrimoine à l’usage des passagers. C’est un lieu qui invite à se plonger dans le passé à travers le présent .
Les Espagnols de Charles-Quint ayant tout rasé « à coups de mine » avant leur départ. Néanmoins, le rempart ouest est encore visible au moins dans ses substructions. Des nombreuses tours qui commandaient l’entrée du côté de la mer, il n! e reste plus que des vestiges, seuls témoins des luttes épiques extraordinaires dont la presque île était chaque fois le théâtre et l’enjeu.
A l’extrémité du Cap, à l’endroit ou les dernières roches plongent dans les flots, se dresse encore, squelette isolé, la tour dite « d’Hannibal ».
Là aussi, épousant les contours rocheux du rivage, on peut encore distinguer les restes très curieux d’une nécropole antique et très probablement punique dont les tombes semblent orientées Est-ouest. Les squelettes y sont encore visibles.
« Le Bordj », qui était le palais du fondateur de Mahdia, « Obayd Allah el Mehdi », semble être de construction relativement récente et vraisemblablement turque.
En contre-bas et à l’Est sud-est, on peut très nettement distinguer l’ancien port creusé en gagnant sur la terre. Ce port communiquait avec la mer par une passe étroite défendue par des tours fortifiées dont on peut admirer les glorieux restes.
Ce port constitue aujourd’hui un refuge pour les petits bateaux à rames, servant de pêche artisanale. L’espace qui l’entoure est aussi utilisé comme entrepôt pour les filets et comme atelier de réparation pour les barques.
Le voisinage immédiat du cimetière marin utilise celui- ci et notamment sa clôture basse comme lieu de rencontre et de réunion surtout les après-midi.
Les enfants du quartier n’hésitent pas à jouer autour des tombes ou à accompagner leurs moutons qui profitent de la végétation printanière.
Les rivages voisinant les tombes sont souvent utilisés par les femmes pour laver la laine surtout pendant la saison estivale.
Dans ce cimetière, il y a aussi un espace dominé par le phare. Cet espace est utilisé aujourd’hui comme terrain de sport pour l’école primaire ainsi que pour les jeunes du quartier, ce qui donne une animation quasi continue au cimetière.
Le cimetière marin est souvent visité par le reste de la population mahdoise, et cela est en rapport avec leurs activités cultuelles et rituelles. En effet, tous les jeudis après-midi ainsi que les jours des Aïd, les gens, surtout les femmes, ont l’habitude de visiter leurs morts.
La présence de trois marabouts (Sidi-Jaber, Sidi Bel Hassan et Sidi Snoubri) encore actifs aujourd’hui attirent tous les vendredis une population des fidèles qui vient célébrer certaines fêtes comme la circoncision ou apporter des offrances aux saints. Les visites généralement familiales sont parfois accompagnées par des troupes musicales locales, généralement féminines.
Depuis quelques années et avec les changements des mœurs, le cimetière est devenu un lieu de promenade très recherché par les jeunes couples à la recherche de calme, de solitude et d’un paysage romantique.
Avec l’avènement du tourisme de masse provenant de l’étranger ou des autres villes tunisiennes, le cimetière fait désormais partie d’un circuit touristique obligé. Il est parcouru quotidiennement, surtout pendant la saison estivale, par des bus et des trains touristiques qui empruntent la route aménagée à cet effet. Depuis quelques années, ce lieu attire, en plus des estivants venus chercher un peu d’exotisme en comparaison avec la plage sableuneuse et les pi! scines des hotels
Parcourir ce cimetière, c’est ce promener, chercher, monter, descendre, continuer, arriver, s’arrêter, contempler. « C’est une danse étrange, où on peut- être tout le contraire d’une danse, que le cheminement assujetti à un sol qui n’a point de loi. Le corps ne peut rien prévoir, chaque pas est une invention spéciale de l’œil et de l’instant. Nul pas ne ressemble l’autre, aucun n’a l’amplitude, la figure, la dynamique du précédent. Point d’habitude ici »[1].
[1] Paul Valéry, Tel quel, éditions Gallimard, Paris, avril 1996,. P 315